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Avec vue sur les répétitions de « Risk », laboratoire de création des écoles d’arts

Une semaine pour monter une création collective ! « Risk » a été présenté par des apprentis circassiens, musiciens, comédiens et étudiants en art les 9 et 12 mars sur la scène de l’Agora. Immersion pendant les répétitions.

« Ce besoin de dire sur scène, faites-le pour de vrai ! » Toméo Vergès, chorégraphe à l’accent chantant espagnol, bondit sur scène pour interrompre l’un des tableaux de la création en cours. Il mime en l’exagérant la manière « petite souris » de venir au micro d’une des participantes et la désinvolture de celui qui lui cède la place. On reprend ! Nous sommes au quatrième jour des rencontres des écoles d’art, la veille de la première représentation.

De 15h à 21h, ils ne vont pas quitter le plateau du théâtre (sauf pour une pause pipi). Ça commence comme chaque jour depuis le début de la semaine par un échauffement en forme de protocole rodé par le chorégraphe Toméo Vergès et la metteuse en scène Véronique Petit, invités à animer cette 5ème édition des rencontres. Ce mélange de travail sur le rythme, la notion de groupe et les scansions est « une série d’exercices qui les amènent, et nous aussi, explique en aparté Véronique Petit, à être occupés mais pas préoccupés ».

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Ils tapent des pieds en rythme, s’essaient à des improvisations (« je veux la sensation d’une photo en train de se faire, le corps émotionnel », demande Toméo), à courir sur huit temps, tirer la langue en tempo, lever les doigts, baisser les doigts, marcher au centre du cercle, taper dans les mains… Les exercices s’enchaînent sans temps mort. Le plaisir du corps collectif se perçoit depuis la salle. La rencontre est palpable : impossible de distinguer l’étudiant du conservatoire de celui qui prépare les écoles d’art.

L’objectif des Rencontres des écoles d’art, portées par la scène nationale de l’Essonne, c’est de constituer un laboratoire de création pour une vingtaine d’artistes de demain. Les pros qui les encadrent sont allés présenter leur approche et parler de la thématique qu’ils ont choisie, le risque, en amont de cette semaine « dense, intense et courte » (dixit Toméo) à l’académie Fratellini, au conservatoire de musique, en classe prépa aux écoles supérieures d’arts, à l’école de théâtre. « C’est un mot un peu fédérateur, explique Véronique Petit, pour travailler avec des jeunes gens au démarrage de leur vie professionnelle et adulte. Il peut s’agir de risque à prendre, au sens des opportunités, de la mise en danger, d’aller vers l’inconnu. » Les dix-huit participants, cinq circassiens de l’Académie Fratellini, cinq comédiens de l’école départementale de Théâtre EDT 91, cinq étudiants des classes préparatoires des écoles supérieures d’art d’Evry, et trois élèves du conservatoire régional Iannis Xénakis, avaient pour consigne de préparer une carte blanche pour les Rencontres.

Sur le plateau, le groupe est passé aux répétitions du "spectacle". Plutôt à la « mise en forme du travail artistique », précise Toméo pendant la pause. « Ce n’est pas en 4 jours qu’on monte un spectacle », rappelle Véronique. Certes, l’éclairage (« simple ») se cale en même temps que les protagonistes répètent. Certes, les gestes, les déplacements, les textes ne coulent pas de source. Certes, Reno Isaac, qui, depuis la salle, s’occupe de la création sonore, ne sait pas encore ce qu’il va utiliser : « J’ai enregistré leurs réponses mais je ne suis pas sûr encore, ça peut ne pas marcher. » Mais quand Maxime s’avance bondissant pour dire « Je suis porteur, je travaille des acrobaties en duo avec un voltigeur », que Maria Constanza dit avec un accent délicieux « 22 ans, chilienne », qu’ensuite chacun vient dire, un pas en avant, se détachant du groupe, « risquer, c’est s’engager / c’est vaincre ses peurs / c’est dire je ne sais pas où je vais mais j’y vais / c’est dire oui / c’est ne pas s’effondrer », le souffle artistique est là. Anna joue du ukulélé (mais n’est pas au conservatoire, elle apprend la comédie…), Olga dit fort « je suis une femme qui danse et qui joue de la guitare », Clément demande que son travail plastique sur une machine à écrire soit intégré dans le spectacle (« on va voir, on est ouvert », répondent Toméo et Véronique).

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À partir de leur carte blanche, et des réponses aux questions qui leur ont été posées, ce « matériel collecté » selon Toméo a permis de bâtir une création qui mélange prise de parole et gestuelle, saynètes et mise à nu. Toujours avec ce « besoin de dire » que rappelait Toméo en ouverture. A 19h vendredi, les ajouts, les précisions, et le gros du déroulé ont été revus. Reste à caler le final et à tout refaire sans interruption. Le temps file, deux heures ce soir, une matinée samedi, avant la première, le 9 mars à 16h.

Pour Toméo Vergès, « ce travail artistique, c’est du donnant-donnant : cette générosité qu’ils ont, ce travail de questionnement, leur énergie… » Et, dans un grand sourire, il conclue : « alegria » (bonheur, en espagnol). On s’éclipse pour les laisser travailler.